L'ESSOR DE LUCIFER (2006)
Auteur : Gavin BADDLEY
Traduction : Christelle DERENNE
Langue : Français
Parution : Août 2006
Maison d'édition d'origine : Nemesis
Maison d'édition Française : Camion Noir
Nombre de pages : 460
Genre : Faits de Société
Dimension : 21 x 14 cm
ISBN-10 : 2-910196-61-5
Alors que le titre de l'ouvrage aurait pu supporter plusieurs traitements différents, le choix éditorial quant à la couverture résume assez bien la démarche de l'auteur : Gavin Baddeley est un sataniste, un Révérend même de l'Eglise de Satan créée par Anton LaVey. Pour faire simple, ou plutôt compliqué, Baddeley appartient à la tendance laveyenne du satanisme, car, si le lecteur retient bien quelque chose à l'issue de la lecture de L'essor de Lucifer, c'est qu'il n'existe pas un mais plusieurs, pour ne pas dire de nombreux, satanismes. Nous n'en attendions pas moins d'une philosophie qui exalte l'individualisme à outrance. Toutefois - et là encore faut-il y voir le propre de la démarche sataniste - Baddeley conserve un regard lucide, et non dénué d'humour, sur sa propre chapelle et toutes celles et tous ceux qui se sont revendiqués, de près ou de loin, du satanisme, même si le lecteur percevra toujours une sympathie sous-jacente pour celui qui se fit appeler dans les dernières années de son pontificat « le Docteur ». Extraits choisis : « on raconte que Crowley se plaisait à déféquer sur les tapis, sous prétexte que ses excréments étaient sacrés. L'histoire ne dit pas cependant s'ils étaient suffisamment sacrés pour lui permettre de déféquer sur son propre paillasson » (p. 51), « Quand d'autres brandissent la verge et le fouet, LaVey sort le coussin péteur » (p.131).
Baddeley débute par une brève, mais érudite, histoire du satanisme. Dommage malgré tout que celle-ci ne s'attarde plus avant sur la distinction philosophique et mystique entre Lucifer et Satan, même si la confusion est entretenue dès le titre, alors que certains se revendiquent plus volontiers du luciférianisme que du satanisme. Mais l'exposé de Baddeley se veut-il peut-être déjà suffisamment exhaustif en l'état. A ce titre, la démonstration se révèle frustrante, car la brève description de l'ensemble des groupuscules ou individus (tristement) célèbres qui ont pu, à un moment ou un autre, revendiquer leur satanisme, ne nous apporte guère de définition du satanisme, d'autant que Baddeley ne manque pas de disqualifier tel ou tel quant à ses prétentions (Charles Manson n'est ainsi qu'un illuminé et non pas le messie d'une nouvelle ère, même si les meurtres perpétrés par son groupe marquent symboliquement la fin de l'ère "Peace & Love"). L'auteur s'attarde d'ailleurs bien souvent, avec un malin plaisir, sur le satanisme fantasmé, en revenant notamment sur le mythe des ARS (Abus Rituels Sataniques) qui eut au moins le mérite de mettre à jour que la perversion habitait probablement plus les esprits des « beautiful people », chantés par Marilyn Manson, et autres grenouilles de bénitier que lesdits satanistes. Massimo Introvigne, dans son brillant Enquête sur le satanisme, parvenait d'ailleurs aux mêmes conclusions. Cela ne signifie cependant pas que tous les cultes sataniques rejettent le sacrifisme humain : l'Ordre des Neufs Angles en est un exemple.
Sur les questions essentielles, Baddeley nous rappelle que les avis divergents (et c'est déjà beaucoup) : Satan est-il une entité ou une force ? Le satanisme est-il une religion libertaire ou totalitaire (Baddeley nous rappelle ainsi les accointances avec le fascisme manifestées par certains satanistes, ou encore l'Ordre noir nazi sur lequel nous reviendrons dans un autre ouvrage publié par Camion Noir) ? Le satanisme est-il d'abord éthique ou esthétique ? Le satanisme est-il voué au plaisir de la chair ou à la douleur de celle-ci, avec comme sous-entendu : la douleur peut-elle être un plaisir ? Le satanisme est-il une exaltation de la vie ou de la mort ? Avec en exergue, l'interview proprement hallucinante d'un Euronymous qui ne jure que par l'autodestruction et un nihilisme absolu et inquiétant. Chacun ici accuse l'autre d'être un faux sataniste ou d'être encore fondalement chrétien, car c'est un fait : déterminer toutes ses actions par une approche résolument antichrétienne ou antibiblique, comme c'est le cas d'Euronymous, reste une démarche profondément enfermée dans un contexte chrétien. La plupart des interviews, à l'exception de ceux figurant vers la fin de L'essor de Lucifer, n'apporte que peu d'éclaircissements quant aux véritables positionnements des uns et des autres, si ce n'est de grandes déclarations de principes.
Après avoir présenté la genèse du satanisme, Baddeley s'intéresse plus précisément au satanisme dans la culture du XXème siècle, avec un chapitrage peut-être moins judicieux car ne tranchant pas toujours clairement entre approche chronologique et thématique. Ainsi, après un chapitre consacré à la naissance du Metal, puis au Thrash et au Death, on retourne à la musique du XVIIIème siècle avant d'aborder le Black Metal. En outre, certains chapitres, comme celui consacré au cinéma, sont trop peu développés ; il est vrai aussi que les références au satanisme et au Diable dans le Septième Art sont telles qu'elles mériteraient un ouvrage à part entière. Enfin, tout amateur de Metal qui se respecte ne pourra qu'avoir les poils qui se hérissent à la lecture de fautes impardonnables et répétées : MERCIFUL FATE au lieu de MERCYFUL FATE, DARK THRONE au lieu de DARKTHRONE et Trash au lieu de Thrash... ça commence à faire beaucoup. C'est dire que Les Seigneurs du Chaos est sans doute plus sérieux en la matière. D'ailleurs, même si Varg Vikernes n'apprécie pas non plus le livre précédemment cité, il conteste avoir eu un quelconque contact avec Gavin Baddeley, et par la même l'interview que l'auteur prétend avoir faite de lui... En matière musicale, Baddeley n'est pas tendre avec le mouvement Punk et minimise grandement le poids d'un BATHORY dans le Black Metal, alors qu'il se montre complaisant à l'égard de CRADLE OF FILTH, ce qui ne manquera pas d'en faire hurler certains.
L'essor de Lucifer reste intéressant, tant les livres se rapportant à ce thème sont rares ou alors profondément marqués par une ignorance crasse du sujet abordé, mais l'étude fouillée tend parfois à devenir une étude fouillis.
Sommaire :
Première partie 1.La tradition satanique Une brève histoire du satanisme 2.Un nouvel éon La « Grande Bête de l’Apocalypse 3.L’Ordre noir L’occultisme en guerre 4.Sympathy for the Devil Lucifer et la révolution contre-culturelle 5.L’âge défloré Manson, l’Eglise « Process » et les cultes sataniques dans les années 1960 6.Fondation de l’empire infernal Anton LaVey et l’Eglise de Satan
Deuxième partie 1.Les salles obscures Le satanisme au cinéma 2.Une nativité en noir Psychédélisme satanique et musique du Diable 3.La réforme de l’ombre Le Temple de Set et le satanisme dans les années 1970 4.Invoquer l’Enfer Le heavy metal et la morale consensuelle 5.La race des damnés La genèse du black metal 6.Martyrs et pécheurs Le mythe des abus rituels et du complot satanique
Troisième partie 1.La génération de l’Apocalypse Darwinisme social et satanisme dans les années 1980 2.Les enfants du Diable et de la mort Trash (sic !) satanique, speed et death metal 3.Les musiques du Diable Satanisme et musique alternative 4.Ragnarok ou l’enfer du nord Le second avènement du black metal 5.La guerre aux enfers De la mort d’Anton LaVey au satanisme des années 1990 6.L’essor de Lucifer La culture satanique dans le nouveau millénaire
Ajouté : Lundi 28 Janvier 2008 Chroniqueur : Le Comte de la Crypte Score : Lien en relation: Camion Noir Website Hits: 84971
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