LELAHELL (dz) - Redouane (Mars-2012)
Je ne vous apprendrais surement pas qu’en Algérie comme partout ailleurs, on fait aussi du Metal. On en trouve du bon et du moins bon. LELAHELL, c’est surement ce qui est sorti de mieux depuis bien longtemps. La faute à Redouane, un inusable moteur de cette scène, qui se bat depuis des années pour la faire vivre, mais surtout survivre. Impliqué dans des projets tels que CARNAVAGE ou DEVAST, le Monsieur nous livre aujourd’hui ses impressions sur l’état des lieux dans son pays et nous parle plus en détail de son nouveau bébé, 10 ans après l’interview qu’il nous avait livrée en ces pages pour LITHAM. Une leçon de ténacité et de lucidité. Entretien.
Line-up : Redouane “Lelahel” (chant et guitare), Nihil (basse), Slaveblaster (batterie)
Discographie : Al Intihar (EP - 2012)
M-I Interviews du groupe : LITHAM (dz) - Redouane (Oct-2002)
Metal-Impact. Salut Redouane, je suis Stef pour le webzine français Metal-Impact. Tu nous avais accordé la faveur d’une interview il y a maintenant 10 ans. Avec le recul, comment analyses-tu l’évolution de la scène Metal en Algérie ?
Redouane. Eh oui, ça fait quand même 10 ans ! Ça ne nous rajeunit pas ! Durant toutes ces années, tout a changé non seulement en Algérie mais dans le monde entier. Tout est devenu facile et rapide d’accès grâce à l’évolution d’Internet et autres technologies. Donc c’est une toute autre génération de musiciens et de groupes qui a vu naissance. Je ne dirais pas qu’ils sont moins bons mais moins impliqués qu’avant, ça reste un avis personnel. Sinon, c’est toujours la même galère en Algérie mais on tient le coup en espérant que les choses changent et qu’il y ait enfin une vrai scène avec un grand ‘S’.
MI. Tu es un acteur important de cette scène depuis le début, grâce à tes nombreux groupes. As-tu le sentiment d’avoir contribué à l’essor de la popularité du Metal dans ton pays ?
Redouane. Il y a quelques années, j’étais en plein dedans et vraiment à fond. A côté de mes groupes, j’organisais un festival, j’avais un webzine et un fanzine sur le Metal arabe, j’avais fait aussi une compilation. Mais malheureusement, il n’y a pas eu de suivi et pas beaucoup de soutien de la part de toute la communauté Metal algérienne. Quand on est le seul à œuvrer pour changer les choses, on se sent parfois comme un extraterrestre donc j’ai laissé tomber et maintenant je me concentre plutôt sur la musique de LELAHELL.
MI. Nous allons revenir ensemble sur ton nouveau projet, LELAHELL mais avant ça, j’aimerais que tu nous racontes pourquoi avoir choisi d’arrêter avec LITHAM, alors que vous avez été les premiers à sortir un album de Metal en Algérie ?
Redouane. En fait, on n’a pas choisi d’arrêter LITHAM. Ce sont juste les réalités de la vie qui nous ont rattrapées. On avait tout misé sur le groupe alors qu’il fallait se faire une situation sociale qui nous aurait permis de continuer. Donc on était obligés d’arrêter pour rattraper notre retard.
MI. Peux-tu nous présenter LELAHELL et nous dire ce qui distingue ce projet des autres ?
Redouane. LELAHELL, c’est comme un rêve d’enfant qui se concrétise car j’ai toujours voulu être guitariste, et comme tu dois le savoir, dans LITHAM et CARNAVAGE, j’étais bassiste et vocaliste, donc je me suis mis à travailler sérieusement la guitare il y a deux ans de cela et j’ai commencé à composer et à enregistrer tous les instruments seul. Au début, LELAHELL c’était un one-man band mais j’ai préféré intégrer Nihil et Slaveblaster afin que le groupe soit plus vivant et moins personnel. Sinon, LELAHELL c’est moins mélodique que LITHAM, moins technique que DEVAST et moins bourrin que CARNAVAGE, donc juste ce qu’il faut !
MI. Vous avez sorti récemment votre premier EP, Al Intihar. Y a-t-il un concept derrière ce disque et au vu de son évidente qualité, peut-on parler d’une forme de « renouveau » pour le Metal algérien ?
Redouane. Je te remercie pour les compliments, c’est vraiment encourageant. On ne va pas jusqu’à parler de renouveau mais on va dire qu’il a quelque chose qui est en train de naitre et qui verra le jour bientôt ! Ce disque s’appelle Al Intihar, ce qui veut dire « le suicide ». Ce n’est pas un album concept mais peut être que j’y songerais dans nos prochaines réalisations.
MI. Au moment d’écrire cet album, avez-vous eu la volonté de prouver que le Metal, d’où qu’il vienne, puisse se frotter aux grandes scènes du genre (européenne et américaine) ?
Redouane. Au moment d’écrire cet EP, la seule chose qui m’est venue à l’esprit était de faire renaitre le Metal en Algérie, car il y a eu comme un vide. Les anciens avaient quitté le milieu et les nouveaux n’existaient pas encore ! Le reste viendra plus tard, lors des nouvelles réalisations de LELAHELL. Ce n’est que le début !
MI. Quels sont les thèmes abordés sur cet enregistrement ? Est-ce toi qui écrit les paroles et si oui, dans quel état d’esprit rédiges-tu tes textes ?
Redouane. « Emperor » parle de l’empereur Néron, de ses 14 ans de règne jusqu’à sa mort. On a l’impression que l’histoire se répète, non ? Le second titre est un extrait d’un texte d’Al Moutanabi (« Le Prétentieux »), un célèbre auteur de la littérature arabe. « Into The Past » nous rappelle tout le mal qu’a pu faire l’Homme durant toute son existence : destructions, meurtres, mensonges, désastres, etc... Et qu’il continue à faire d’ailleurs…
« Al Ihtiqar » parle du mépris et « Hermanos » et une histoire d’amis qui sont au début comme des frères de sang, mais la vie va bien changer les choses. Et oui, c’est moi qui écris les textes. On va dire que ça parle de la société en général avec toutes ses conneries et ses problèmes, donc c’est plutôt dans un état de dégoût, de rage et de haine que j’écris les paroles !
MI. As-tu déjà reçu des retours de la presse spécialisée sur votre travail ? Parviens-tu enfin à trouver écho auprès de la presse spécialisée dans ton pays ?
Redouane. Franchement, j’ai vraiment été surpris par le feedback positif qu’a reçu notre CD dans plusieurs webzines en plus du votre : Powermetal.de 8/10, Lordsofmetal.nl 75/100, Truemetal.it 74/100, Jorzine.com 10/10, Powerofmetal.dk 88/100. Et on attend le reste donc ça remonte bien le moral quand même ! Sinon pour ce qui est de l’Algérie, hélas toujours pas de webzines ni autres…
MI. Quelles sont les ambitions d’un groupe comme LELAHELL, par rapport à DEVAST ou à LITHAM précédemment ?
Redouane. Tu as oublié CARNAVAGE qui était un groupe de Goregrind. D’ailleurs, peut-être qu’on fera un full-lenght d’ici la fin de l’année mais pas de live en vue. Dans LELAHELL, il y a plus de maturité que dans les groupes précédents. On sait dans quoi on met les pieds donc l’énergie sera bien canalisée juste ce qu’il faut et là où il le faut !
MI. Lors de l’interview parue il y a dix ans, tu dressais un bilan assez alarmant de l’état des lieux en Algérie. Je cite : « pas de labels, pas de presse spécialisée, pas de salles adaptées, pas de studios spécialisés dans le Metal, pas de radios Metal et les concerts ne sont pas si fréquents que ça ». Y a-t-il eu une évolution sur ces différents points ?
Redouane. Les choses n’ont pas évolué sur certains points, toujours pas de labels ni de presse spécialisée ni de radios. Mais il faut dire que l’on a plus de facilités pour enregistrer et diffuser notre musique. Sinon, pour les concerts, il y a tout juste une salle qui permet de faire ce genre de musique à Alger et quelques unes dans les autres villes. Donc maintenant, il y a un peu plus de groupes qu’avant mais espérons qu’ils vont durer, pas comme ceux de notre génération !
MI. Faire du Metal est-il mal perçu dans les pays du Maghreb ? Avez-vous déjà reçu des pressions de la part des autorités ou autres ?
Redouane. Non, jamais de pressions ou autre jusqu’à maintenant.
MI. Comptez-vous vous produire en concert avec LELAHELL et pourquoi pas, en dehors de l’Algérie ?
Redouane. Oui, ça fait partie de notre démarche. D’ailleurs on répète une fois par semaine pour préparer notre setlist donc nous sommes ouverts à toutes propositions !
MI. Un mot sur ton autre projet, DEVAST ? Allez-vous donner suite ou vas-tu désormais te concentrer sur LELAHELL ?
Redouane. Idir, le fondateur du groupe DEVAST va quitter le pays pour immigrer en Amérique latine donc je pense qu’il trouvera d’autres musiciens là-bas. Du coup, ça sera LELAHELL et rien que LELAHELL !
MI. Une signature sur un label est-elle indispensable pour espérer élever votre groupe a un autre niveau ?
Redouane. Pourquoi pas. Mais si ça n’arrive pas, ça ne nous empêchera pas d’avancer et d’évoluer. Pour cet EP, j’ai contacté plusieurs labels et je n’ai toujours pas eu de réponses positives… Enfin j’ai eu des propositions de pseudos labels (environs une dizaine) qui te disent de payer le pressage de ton CD et d’y ajouter les frais de promotion, donc ça grimpe toujours au-delà des 1500-2000 euros. Du coup, si je le fais moi-même, ça me coutera beaucoup moins cher et je le ferais surement beaucoup mieux ! D’ailleurs, une fois qu’ils reçoivent le CD, tu as une réponse sur le champ. C’est une preuve qu’ils n’écoutent même pas ton disque, c’est le fric qui les intéresse ! Je préfère investir sur du bon matos que de leur donner !
MI. Les destins de groupes comme ORPHANED LAND, MYRATH, NERVECELL te donnent-ils de l’espoir pour la suite ?
Redouane. C’est vraiment encourageant et ça prouve que dans le Metal, il n’y a pas de frontières. Comme NERVECELL, c’est un groupe que j’ai vu grandir, j’avais chroniqué leur première démo à l’époque où j’avais le webzine et franchement ils ont bien bossé pour en arriver là ! Oui, c’est ça l’amour du Metal ! Il faut avoir la niaque pour réussir. Et crois moi, je l’ai toujours !
MI. Que peut-on souhaiter à LELAHELL pour le futur ?
Redouane. Déjà, dans un futur proche, on espère trouver un bon petit label qui puisse s’occuper de la promo du groupe, ça nous permettra de nous concentrer davantage sur la composition de l’album et surtout, de travailler notre son ! Et aussi faire beaucoup de concerts… Le reste viendra avec le temps.
MI. Merci Redouane pour nous avoir accordé de ton temps. Bonne continuation avec LELAHELL et pourquoi pas à bientôt en France ? Les mots de la fin te reviennent. Merci !
Redouane. Merci à vous pour votre soutien. Franchement, ça fait plaisir de voir qu’il y a toujours des gens dévoués comme vous qui œuvrent pour le Metal en toute honnêteté. A bientôt et cette fois-ci, surement pas dans 10 ans (rires) !
Ajouté : Jeudi 19 Avril 2012 Intervieweur : Stef. Lien en relation: Lelahell Website Hits: 12403
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