Et merde. J’ai tout de suite compris que j’allais prendre cher. A la seconde où David, guitariste pour le compte de RATBOMB, m’a informé que lui et son groupe de bras-cassés allaient sortir un deuxième album, j’ai pigé que niveau vaseline, j’allais être chaud cacao. Vous, vous n’en avez rien à branler parce qu’après tout, RATBOMB ça ne vous parle pas encore très bien. Mais moi, j’ai eu le grand malheur de tomber sur leur premier album, Natural Born Grinders, sorti il y a tout juste un an. Et non seulement ça laisse des séquelles (particulièrement quand il s’agit de marcher dans la rue sans attirer l’attention) mais en plus, assurer une continuité dans l’analyse n’est pas la chose la plus idiote à faire à la veille de la sortie de LowCost Gangstas. Y a des moments comme ça où il faut serrer les dents. Pour ma part, je sors d’un toucher rectal donc je ne serais pas trop dépaysé. Mais pour vous, lecteurs, l’addition risque d’être aussi salée que douloureuse.

Ayant désormais épuisé mon stock de vannes pipi-caca-sodomie, je peux me lancer sereinement dans l’autopsie de cette seconde mouture. Instinctivement, j’ai envie de dire que LowCost Gangstas surclasse Natural Born Grinders. Difficile d’affirmer qu’untel est plus énergique ou engagé qu’untel parce que sur la forme, ça reste du Grind punkoïdal nuancé de Crust et que RATBOMB ne s’est pas débiné. Mais sur le fond, il semble évident que les Alsaciens sont allés bien plus loin dans l’inspiration, dans l’écriture, dans la furie, dans le jusqu’au-boutisme de cette brutalité sonore pour le moins décomplexée. Je n’ai absolument pas le sentiment d’écouter la version 2.0 de Natural Born Grinders et c’est quelque chose qui me procure beaucoup de satisfaction car tant au niveau des voix qui s’enchevêtrent qu’en terme d’exécution, LowCost Gangstas lui est supérieur. On découvre (ou redécouvre) un RATBOMB parfois moqueur, avec ce côté ado révolutionnaire et boutonneux qu’on a juste envie de claquer (le chant très aléatoire de Gralex va dans ce sens). Et à l’inverse, certains instants de cet opus sont sévères, noirs et dégagent un entêtement franchement caustique qui ne fait plus rire du tout. La tendance générale va au professionnalisme (on remarquera tout de suite cette pochette très inspirée, œuvre de Chris, chanteur de TREPAN’DEAD) même si dans l’esprit, RATBOMB demeure un projet relativement bon enfant avec lequel il est facile de plaisanter. De nombreux samples d’un ridicule assumé truffent cette galette, preuve aussi que le groupe ne renie à aucun moment les bases humoristiques posées via Natural Born Grinders. Certaines compositions ont un feeling vraiment Rock N’ Roll, d’autres sont plus minimalistes mais le tout est toujours instinctif et cohérent, sauvage et teigneux, authentiquement furieux. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si ces mecs sont en train de s’attirer la sympathie de la France entière. Leur Grind / Crust est le reflet de ce que les gens attendent de cette musique. Une relative sévérité sur les thèmes sociétaux, un engagement qui frôle le sulfureux et une proximité avec l’auditeur, qui aura vraiment l’impression d’entrer dans l’intimité d’une répète du groupe par le biais de cet album.

Je ne peux pas dire que je suis convaincu parce que le mot est un peu faible. RATBOMB dispose d’un pouvoir de persuasion que j’ai rarement entendu chez une formation d’une dimension aussi insignifiante et c’est justement ce qui rend ce projet phénoménal. Ce n’est pas de la grande musique mais ça dégage de l’autorité, une sorte de « ferme ta gueule quand on joue ». Ils n’ont encore aucune raison valable de vouloir mettre tout le monde d’accord, parce que parti comme ça l’est, ils ont l’éternité pour ça.