BALANCE (usa) - In For The Count (1986)
Label : Portrait Records
Sortie du Scud : 19 novembre 1986
Pays : Etats-Unis
Genre : AOR
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 36 Mins
Quand Chip Hobart entendit en 1982 la démo de "Runaway", d'un certain Jon Bongiovi, il ne se doutait certainement pas de l'impact qu'aurait cette chanson sur le Hard Rock américain des années 80. Certes, le titre était plaisant, et il ne se gêna pas pour l'inclure dans sa playlist, mais l'affaire n'avait rien de transcendant... Mais le beau Jon... Il avait quelque chose en plus. Un physique certes, mais aussi une volonté incroyable, une envie de réussir sans limites, et une voix, aussi charismatique que son sourire de tombeur.
Pourtant, les radios américaines avaient l'habitude de ce genre de trucs. Après tout, JOURNEY, BOSTON, REO SPEEDWAGON, TOTO, STYX et bien d'autres étaient déjà passés par là, avec un maximum de succès, et des albums de platine à ne plus savoir qu'en faire. Alors oui, "Runaway" avait LE petit plus. Ce je-ne-sais-quoi de frais, de nouveau, qui faisait frétiller les ondes. Mais gageons que si le sieur Bongiovi n'avait eu cette apparence de playboy, la suite aurait peut être été différente.
Le physique. Un atout à ne pas négliger lorsqu'on joue sur la radiophonie de ses mélodies. S'il est vrai que tous les groupes majeurs cités plus haut n'avaient pas grand chose à offrir dans ce créneau, il faut préciser quand même que lorsqu'ils ont émergé, ce critère n'était pas vraiment décisif. C'est vrai, quelle star Rock des années 70 (le premier qui me cite les BAY CITY ROLLERS se mange une beigne) pouvait compter sur sa beauté pour appuyer le succès de sa musique à part Marc Bolan ? Personne. Non, Bowie non plus. Alors... Je sais, mon discours vous parait confus, vous ne savez pas où je veux en venir. Moi non plus en fait. En tout cas je ne suis pas sur. Je cherche. Je cherche des raisons pour expliquer le relatif échec d'un des meilleurs groupe d'AOR de tous les temps. Un groupe que j'adore, et deux albums pour lesquels j'ai une très grande affection.
BALANCE, vous connaissez ? BALANCE, c'est un quatuor sorti de presque nulle part en 1980. Je dis presque, car leur chanteur, Peppi Castro avait fait partie des BLUES MAGOOS, combo psychédélique du Bronx ayant connu son heure de gloire à la fin des 60's. Il avait composé pour Cher, joué avec Paul Stanley, à Broadway dans Hair, ce qui rendait son CV plutôt fourni. Le frontman était épaulé par une autre figure bien connue, gravitant aussi dans le sillage de KISS, le chauve Bob Kulick, frère de Bruce, qui avait postulé pour le baiser en 1973, et qu'on a retrouvé tout au long des années 70 sur les albums du quatuor, le plus souvent non crédité. Bob joua aussi sur le projet solo de Stanley en 1978, ce qui tissa des liens entre lui et Castro. Rien d'étonnant alors de les retrouver dès 1981 dans BALANCE, pour un album éponyme de très grande qualité.
Mais le cas de Balance, l'album, fut souvent abordé. Même s'il ne fit qu'une timide apparition à la 133ème place du Billboard, il reste le témoignage le plus fort de ce groupe malheureusement éphémère. Je m'intéresserai donc ce soir à leur deuxième effort, bien meilleur selon moi, et qui reste surtout la trace vinylique la plus forte de ce début des 80's en ce qui concerne ce qu'on appelait pas encore le Hard FM, mais l'AOR. Un gros mot pour beaucoup.
In For The Count est en effet plus qu'un simple album mélodique. C'est un parcours sans faute, une mine de tubes qui vous emporte dès son intro aux relents pomp, pour ne plus vous relâcher ensuite. S'appeler BALANCE, ça ne choisit pas au hasard, et ça ne doit pas rester promesse non tenue. Et c'est sans doute pour cela que jamais l'équilibre entre pulsion et harmonie ne fut plus parfaite que sur ce disque.
J'ai écouté ce LP des centaines de fois. Je connais ses titres par coeur, je connais tous ses méandres, toutes ses astuces, toutes ses mélodies, ses soli, ses riffs, ses arrangements sur le bout des doigts. Et même vingt cinq ans après l'avoir découvert, je ne comprends toujours pas pourquoi il n'a pas cassé la baraque. Certes, Peppi n'avait pas le lyrisme flamboyant d'un Steve Perry. Mais son chant nuancé dans les medium avait ce velouté incomparable que beaucoup occulteront plus tard pour partir en vrille dans des fréquences trop aigues. Et Bob n'avait pas grand chose à envier à Neal Schon , Tom Scholz ou Steve Lukather, et encore moins à Ace Frehley. Et sur In For The Count, les deux hommes avaient enfin une section rythmique solide, composée de Chuck Burgi et Dennis Feldman, capables d'être aussi allusifs que percutants.
La question subsiste donc, et ma réponse ne vient toujours pas. Car en sus de toutes ces qualités intrinsèques, l'album était doté d'un son énorme pour l'époque, clair, profond, dans lequel chaque musicien pouvait s'épanouir. Basses ronflantes, guitare tranchante, batterie carrée et chant soigné. Tout pour plaire, tout pour séduire les radios ET le public, mais las, la mayonnaise ne prit pas. Je parlais de critères physiques en début de laïus, ce qui a pu paraître incongru. Mais les raison de l'insuccès de ce disque fabuleux sont si obscures que je ne sais plus de quel côté chercher.
Car si beaucoup d'oeuvres du même type avaient souvent tendance à tomber dans la mièvrerie, en mettant la pédale douce sur la guitare, et en cachant les aptitudes en solo de leur guitariste, ou en multipliant les ballades au goût de guimauve, In For The Count se contentait lui d'accentuer parfois les tonalités un peu Pop ("Bedroom Eyes" et son refrain assez doux, "We Can Have It All", concession FM certes, mais de très haut niveau), tout en laissant le champ libre à bon nombre de titres aussi sauvages que mélodieux.
Outre le morceau éponyme, une simple écoute au saignant "Undercover Man", qui aurait pu inspirer RATT suffira à vous convaincre de la haute teneur en énergie de toute l'affaire. L'intro atomique de "All The Way", et ses percussions herculéennes peinent à cacher le potentiel de séduction de son refrain simple mais gigantesque. Nous parlions d'équilibre n'est ce pas ?
Il en va de même pour l'inquiétant et quasi progressif "Pull The Plug", qui intègre à merveille les réminiscences 70's dans un contexte très 80. Très emphatique, à la lourdeur éprouvée, cette chanson permet à Castro de prouver toute l'étendue de ses capacités vocales, et l'autorise à s'envoler dans les hautes sphères des chanteurs d'exception.
Quant à "Slow Motion"... Qu'en dire ? Que KING KOBRA en aurait rêvé, une nuit perdue, trois ou quatre ans plus tard ? Que le mid tempo plombé de son intro fait écho à la douceur de son refrain ? Peut être. Mais qu'importent les mots, une grande chanson est, et c'est tout.
Le terme est lâché. Chansons. Loin d'une accumulation de gimmick séduisants, In For The Count n'était rien d'autre qu'un fantastique recueil de neuf chansons toutes aussi bonnes les unes que les autres, aussi soft que hard, aussi mordantes que caressantes. BALANCE. Jamais nom ne fut mieux choisi.
Ce deuxième album laissera place a près de trente ans de silence radio, un double comble pour un groupe de cette trempe. Et le très passable Equilibrium de 2009, sauf le respect du à son intitulé clin d'oeil ne rétablira pas l'injustice de l'indifférence. Alors oui, Bob continuera son chemin, toujours proche de KISS (à qui il conseillera d'employer son frère...), il sortira d'autres albums dignes d'intérêt, Peppi aussi, mais rien n'égalera jamais dans leur parcours à venir ce qu'ils avaient accompli en cette année 1982.
Allez, allons y, nous sommes entre amis. Rangez cet albums aux côtés d'Escape de JOURNEY, de Boston et de IV de TOTO. Il le mérite. Mais faites attention. A force de l'écouter, il finira par les éclipser. Juré.
Ajouté : Lundi 28 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Hits: 16990
|